Silencia

Celui qui parle ne sait rien
Celui qui sait ne parle pas
Son savoir se lit dans son regard
Et dans ses gestes
Il agit sans agir
Sans parler fort, sans parler haut
Dans le silence il s'investit
Il est rempli de cette chose
Que l'on appelle la sagesse
Il est comme l'eau qui dort
Si calme et si paisible
Qu'on en croirait
Un de ces « j'en foutiste »
Il ne recherche aucun mérite
Il n'a pas besoin de médaille
Ni même de décoration futile
Il est capable de nous lire
Seulement dans nos regards
A travers nos mots
A travers nos gestes
En peu de temps, il sait...

Il sait tout ce que l'on cache
Derrière notre image
Celle que l'on donne
Celle qui nous cache
Nous croyant protégé
Il nous dévoile en un instant
Et sans rien dire il nous laisse
Continuer comme si de rien n'était
Comme une souris verte
Courant dans l'herbe verte
Innocent et sans savoir
Beaucoup parlent derrière son dos
Mais il s'en fout, c'est le pouvoir
Des immatures, des insolents
De diffamer sans argument
De détourner des propos
Sans même en connaître
La finalité ou le sens réel
Ce n'est point de la jalousie
C'est surtout la peur
D'avoir été démasqué
Et d'être nu devant lui, il sait...

Il sait sans faire savoir
Les faces cachées de ce monde
Les faces cachées de la vie
Il reste impassible et muet
Pour ne pas nous troubler
Pour ne pas nous choquer
En nous montrant la vie en face
Qui pourrait nous faire perdre pied
Et qui mettrait nos conceptions
Nos grands préceptes de la vie
Au rang d'idioties à jeter aux ordures
Remettant en cause
Ce que l'on croyait réel
Et qui ne sont qu'illusions
Sur lesquels l'Homme fonde sa vie
Ainsi que l'existence de la société
Peinture abstraite et irréelle
Des grandes théories
Souillées jour après jour
D'un souffle la faire s'écrouler, il sait…

Il sait aussi qu'il suffirait
Qu'il s'écarte d'elle sans s'écarter
Pour la faire trembler sur ses fondations
Fragile et instable, d'une maison mal construite
Et qu'à jamais elle ne se trouble
Comme un enfant peut sous le fruit
De sa plus grosse bêtise être troublé
Voire apeuré, déstabilisé ou bien fragilisé
Mais il garde le silence
De tout ce qu'il sait de la réalité
Gardant tous ses secrets comme des trésors
Et nous, ignorants, nous continuons
A vivre dans l'illusion, à croire à nos préceptes
On fait semblant d'avancer et d'évoluer
Mais l'Homme ne progresse pas
Depuis des millénaires, il fait semblant
Semblant de croire que son monde est devenu
Réel sans mascarade et sans fard
S'il démontrait cela, vexés comme des enfants
Nous en serions, il sait…

Il sait bien des choses que l'on ignore
Cette femme ou cet homme parmi tant d'autres
Mais il garde le silence ou ne dévoile son savoir
Que goutte à goutte, pour nous absoudre
De perdre pied et de se demander
De quoi est fait la réalité de notre société
Puisque l'Homme n'est pas encore prêt
Et ne le sera peut-être jamais
A l'entendre et à l'écouter
Dévoiler aux yeux de la société
Sa propre réalité sans masque
Il n'est pas seul à connaître tout cela
Il le sait mais tous gardent le secret
Pour éviter que le monde tombe dans le chaos
Ils détiennent la sagesse
Le savoir et la noblesse du cœur
Comme quelque chose de naturel
Ils ont tout ça ancré en eux
Toutes ces femmes, tous ces hommes
Ces silencia...

© Sébastien Knittel – Tous droits réservés, 2011